PFAS: l’eau du robinet à Sète est-elle potable?

prélèvement eau du robinet Sète

L’eau du robinet de Sète est-elle polluée aux per- et polyfluoroalkylées (PFAS), des substances ultratoxiques pour la santé et persistants dans l’environnement ? C’est ce que révèlera dans 3 semaines le prélèvement d’eau effectué le 8 mars dernier au robinet de l’appartement sétois de l’élu Laurent Hercé, porte-parole du groupe Les Ecologistes (ex EELV) de Sète en présence de plusieurs militants.

L’eau récoltée dans un flacon a été envoyée le lendemain matin au laboratoire Eurofins Hydrologie Ile-de- France, comme les autres prélèvements effectués dans diverses communes d’Occitanie et d’autres régions françaises, l’opération ayant été lancée à l’échelle nationale par le mouvement les Ecologistes. « L’analyse va porter sur les 4000 à 12 000 composants fluorés qui ne sont jamais recherchés, explique Laurent Hercé. Or on sait maintenant qu’ils peuvent être partout».

L’eau du robinet : une richesse fragile

Car en France, les PFAS, dits « polluants éternels », au cœur d’un processus d’interdiction totale à Bruxelles à partir de 2026, sont rejetés dans la nature en toute légalité (cf encadré). Et les alertes à la pollution se multiplient. On en retrouve dans les fleuves, l’eau du robinet, les œufs et même dans nos cheveux, comme l’a démontré, un prélèvement effectué sur 14 députés écologistes de l’Assemblée nationale en juin 2023. Même les zones où l’on croyait bénéficier de ressources de qualité sont touchées.

Ainsi, le 22 septembre 2023 les directeurs des Agences régionales de santé (ARS) étaient conviés à un séminaire sur le sujet au Ministère de la Santé. Le lendemain Didier Jaffre, directeur de l’ARS Occitanie envoyait un courriel interne à ses cadres les enjoignant à ne plus boire l’eau du robinet et les prévenant qu’il y avait des PFAS et des métabolites (de pesticides) partout et que plus on allait en chercher plus on allait en trouver. Le courriel n’avait pas vocation à être rendu public, mais pourtant le 18 octobre dernier il était publié par le Canard enchainé. Ce qui n’a pas manqué de provoquer quelques remous et obligé Didier Jaffre à assurer quelques jours plus tard par voie de presse que « l’eau d’Occitanie peut être bue en toute sécurité ».

Depuis, deux élus de l’opposition à la mairie de Sète, Laurent Hercé et Philippe Carabasse, ont adressé un courrier au conseil d’agglomération et à la mairie de Sète pour demander qu’on leur transmette les résultats des éventuelles analyses ou d’en faire réaliser le cas échéant. Il leur a été répondu que rien ne serait fait avant 2026. Pourtant, au vu des diverses alertes publiées par la presse depuis deux ans, un doute persiste, qui s’est encore renforcée avec le récent scandale de l’eau contaminée dans le Gard.

Le député écologiste de Gironde Nicolas Thierry a d’ailleurs déposé une proposition de loi à l’Assemblée nationale visant à lutter contre les risques liés aux PFAS et à en interdire l’usage, la production et l’importation. En attendant, les écologistes sétois espèrent « pouvoir dire à leurs concitoyens qu’ils peuvent boire l’eau du robinet, sans risque pour leur santé ». Dans le cas contraire, la solution, alertent-ils, ne passerait surtout pas par le recours à de l’eau en bouteille°, polluante et très chère. Mais par l’utilisation de filtres, « une option beaucoup moins onéreuse».

  • Coût de la consommation d’eau du robinet, sur la base d’un mètre cube par an (soit 2,74 litres jour) par personne : environ 5 euros
  • Coût de la consommation d’eau en bouteille : 1 pack de 6 bouteilles de 2 litres par semaine, soit 52 packs par an : entre 200 et 400 euros.

 


Vous avez dit PFAS ?

Pas facile de se réveiller en pensant que l’eau que l’on boit tous les jours est potentiellement fortement contaminée. Mais comment peut-on en être arrivé là ? Tout simplement parce que la directive européenne relative aux émissions industrielles oblige les installations industrielles aux capacités de production importantes à déclarer leurs émissions, mais pas les PFAS.

Ce sont pourtant les polluants les plus persistants inventés par la chimie moderne et leurs dangers sont connus depuis le milieu des années 2000. Ainsi aux Etats-Unis comme le relate très bien le film « Dark Water » qui raconte par le menu le combat de citoyens américains contre le géant Dupont de Nemours (producteur de PFOA), des centaines de milliers de personnes en seraient mortes et 45% de l’eau potable serait contaminée. En France aussi, depuis dix-huit mois, la recherche de polluants, jusqu’à présent ignorés des plans de surveillance -en particulier les fameux PFAS-, a rendu non conforme aux critères de qualité l’eau distribuée à des millions de Français.

Un scandale sanitaire potentiellement énorme et d’une gravité inédite dont on ne mesure pas encore l’ampleur. Le gouvernement s’en est quand même inquiété, après la médiatisation de la pollution à Pierre-Bénite, et a promis d’agir plus vite que ne le prévoit la directive européenne, en faisant surveiller vingt PFAS considérées comme préoccupantes qui doivent désormais rester sous la limite de 100ng/l. , soit cinquante fois plus que la limite danoise, la plus sécuritaire adoptée en Europe.

En surveiller vingt et encore pas partout comme le précise le courrier du Conseil d’agglomération du bassin de Thau envoyé aux élus verts de l’opposition, est-ce suffisant ? Non quand on sait que cette famille de substances comprend plusieurs milliers, voire plusieurs millions de composés. Quant aux risques sur la santé des PFAS, il est complexe à déterminer, et les études manquent. Mais bien réel, comme l’ont démontré les premières recherches sur le sujet. « Les risques liés aux PFAS ce sont des problèmes liés à l’immunité, aux troubles endocriniens, à la puberté précoce, au développement du fœtus… » soulignait Marie Thérèse Mattera, médecin généraliste et militante écologiste, présente vendredi soir lors du prélèvement.

 

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